Civilisation et culture
« A Dieu appartient l’Orient et l’Occident. »
(Coran, II, 142)
Racine civilisatrice et sécularisation
Quand on étudie sans préjugé l’histoire des peuples, n’est-il pas instructif de constater que toute culture prend racine dans le sacré ? Cet ancrage qui le rattache à l’Ordre principiel lui confère légitimité et valeur. Sous ce rapport, la sécularisation contemporaine fondée exclusivement sur la puissance matérielle et le profit, -dont l’Occident est l’épicentre-, est une anomalie. [1]
Par le titre trompeur de Civilisation qu’elle se décerne, elle prétend devoir fondre dans son moule le « reste » du monde… Face lisse qui dissimule la réalité ethnocentriste d’un impérialisme économique ; pour huiler ses rouages, des lobbies puissants accaparent les richesses de la planète au profit d’une minorité qui n’a aucun intérêt à perdre ses privilèges et déploient des stratégies machiavéliques contre ceux qui leur font obstacle.
Puisqu’il faut diviser pour régner et que la fin justifie les moyens, on ne lésine pas sur les combines pour brouiller les pistes et vaincre toute résistance. Sous des prétextes humanistes, démocratiques et moralistes, une mainmise hégémonique, arrogante et méprisante s’allie aux corrompus et en fait ses vassaux, manie le bâton et la carotte, ment, dépouille, affame, fomente haine et violence de façon à justifier un « va-t-en guerre »… jusqu’à la mise à exécution du concept inédit et absurde de guerre préventive ! (L’état de guerre permanent n’est-il pas le garant de la croissance financière de l’industrie militaire ?) Ignominies dédiées au culte du Veau d’Or que l’on fait passer pour justes par une propagande médiatique bien orchestrée dont le plus grand nombre subit le lavage de cerveau. Quand on possède la quasi-totalité des réseaux de presse, quoi de plus aisé de formater une opinion publique endormie en captant son attention par des représentations négatives et sensationnelles ?
Mais quelle illusion de penser qu’un tel état de fait puisse se perpétuer indéfiniment ! Ce n’est pas certains ajustements –écologiques, techniques ou politiques- qui pourront y changer et en enrayer les conséquences désastreuses.
La course effrénée pour ce monde, en désacralisant l’existence a ôté le sens des destinées individuelles et collectives et totalement bouleversé l’équilibre traditionnel d’une multitude d’êtres humains sans tenir ses promesses et de bonheur. Où sont la prospérité et la justice promises pour tous ?
Par cette désertification de l’être, cette acculturation et cette accumulation de frustrations, la situation est catastrophique au sens réel du terme.
Défense de l’Occident
Tel un rouleau compresseur dévalant une pente, notre développement fou mû par l’avidité et basé sur la concurrence – qui ne peut que provoquer et perpétuer la lutte entre les peuples- devient incontrôlable et menace de tout désintégrer. N’est-il pas alors cocasse de parler de défense de l’Occident comme on l’entend couramment ? S’il a besoin d’être défendu, n’est-ce pas contre le reniement de ses valeurs, de celles des autres, et finalement contre lui-même et son propre péril ? Danger qui gronde tous azimuts puisque, telle une pieuvre, la sécularisation technico-militaro-mercantile s’est étendue et répandue en Orient et a uniformisé le monde. Quand l’on considère l’ardeur déployée par une partie de ce dernier pour rattraper un « retard », la rapacité avec laquelle il cherche à acquérir non pas ce qu’il peut y avoir de positif ou de ce qui est devenu « utile et nécessaire » mais l’imitation servile dont il fait preuve de toute son âme, on peut affirmer qu’il y a effectivement un orient pleinement assimilable et assimilé à l’Occident dont il croit à la suprématie (quand bien même afficherait-il le contraire en paroles).
Et puis, la Miséricorde perçant partout, il y a encore partout et en occident des « étrangers » à ce monde [2] qui y vivent et y prient dans une relative liberté.
Si dépasser l’opposition orient-occident dont la frontière est devenue plus que floue, s’impose donc, il importe cependant de distinguer deux mentalités, deux états d’esprit, encore perceptibles et radicalement incompatibles:
- une basée sur le sacré qu’on nommera « orientale » par rapport à la symbolique du soleil levant [éveil spirituel] –et c’est le fondement de toutes les civilisations et de tous les croyants sincères quelque soient leur origine et le lieu où ils se trouvent.
- une moderniste et rationaliste qu’on nommera « occidentale » par rapport à la symbolique du soleil couchant [nuit de l’ignorance (spirituelle)].
Il est clair que la thèse d’un prétendu choc de civilisation qui serait une guerre des cultures, Islam-Occident chrétien ou judéo-chrétien est un leurre véhiculé et soigneusement entretenu par ceux qui incarnent l’esprit de division, ceux-là mêmes qui comptent bien continuer de perpétrer leur iniquité en toute impunité et qui après avoir alimenté les désirs bellicistes, s’étonnent de certains effets boomerangs… Et c’est là que la désinformation, les mensonges et les surenchères médiatiques pointent du doigt la paille du « musulman » pour camoufler la poutre de la terreur d’un monde idolâtré. On aime alors ranger dans la même catégorie « terrorisme », la résistance légitime à une politique internationale inique et les inévitables retours de bâtons et actes réactionnaires (dont on ignore les intrigues !) qui ne peuvent être assimilés à l’esprit de l’islam. [3]
L’occident « judéo-chrétien »
L’occident moderne sécularisé n’est pas plus chrétien ou judéo-chrétien qu’autre chose ; moderniste et mercantile, il est même l’antithèse du christianisme, lequel, rappelons le a été dépossédé de son pouvoir temporel par ce même occident, qui lui même s’était déjà « défendu » il y a deux mille ans face à son expansion. Sans oublier que la présence musulmane en occident et plus particulièrement en Europe ne date pas d’hier. [4]
Tout comme le Christ était étranger à l’empire romain décadent, il le serait dans une plus grande mesure encore face à cet occident désacralisé comme peut l’être par ailleurs toute personne ayant encore véritablement le sens du sacré. A ce point de vue, les valeurs islamiques et les valeurs chrétiennes (et juives) sont également opposées aux “valeurs” occidentales et occidentalisées actuelles.
Bien que son Ecriture sacrée soit l’Arabe, l’Islam n’est pas une « spécialité arabe » [5] Arche destinée à l’ensemble des hommes, il ne peut être identifié à une nationalité [6] ou à une ethnie : sa vocation intégrante et récapitulative d’ultime révélation pour ce cycle est universelle et lui confère une primauté exceptionnelle [7] ; il est, par conséquent, pas plus étrange et orientale que le christianisme qui a lui aussi ses racines en orient, et qui a pu étendre le message du Christ –qui parlait l’araméen- grâce à sa catholicité. Judaisme, christianisme et islam ont d’ailleurs le même socle cultuel par le patriarche Abraham. La vision d’une religion « étrangère et orientale » en contradiction et agressive vis-à-vis de nos valeurs « judéo-chrétiennes occidentales » est totalement idéologique.
Pour ce qui est d’une frange dite « chrétienne » qui se prévaut d’appartenir viscéralement à l’Occident en l’assimilant au Christianisme au lieu de se considérer comme fidèle « fille de Dieu », il ait à craindre qu’elle prenne l’antéchrist pour le Christ. (que le terme « antéchrist » soit employé plutôt qu’un autre n’est pas anodin) et qu’elle y soit assimilée sans s’en douter. [8] Et l’on n’est pas sans savoir qu’il en trompera un très grand nombre ; car il ne s’agit pas de croire mentalement ou en vaine imagination au Christ mais de le reconnaître, le vrai, en esprit et en vérité, par la foi en Dieu. Celui qui n’a pas soif de justice, qui est incapable de distinguer le vrai du faux, qui approuve les marchands du Temple, comment peut-il prétendre à une telle reconnaissance ? Comme l’a dit Jésus, fils de Marie, (que Dieu les salue) : «si vous croyiez en Moïse, vous croiriez en moi ». Car effectivement, à moins de loucher ou d’être aveugle, quelques soient les « supports » choisis par Dieu, la Lumière est une, indivisible ! Les Envoyés sont des parfaits serviteurs en tant qu’ils n’ont aucune volonté propre [9] et parfaits « seigneurs » en tant qu’ils révèlent Dieu [10] Luminaires éclatants, images parfaites de nous-mêmes, ils ne peuvent être lumière par eux-mêmes. Dieu est La Source unique. [11]
Entente
« Par l’époque ! En vérité, l’homme est en perdition, à l’exception de ceux qui ont la foi, qui pratiquent les œuvres vertueuses, qui se conseillent mutuellement la vérité et qui s’exhortent mutuellement à la patience » (Coran CIII)
Dans un monde où le sacré est en voie de passer aux oubliettes, tous ceux qui en ont encore quelque conscience, auraient intérêt, ne serait-ce pour leur propre salut, au lieu de jeter de l’huile sur le feu pour revendiquer l’exclusivité de la bonne direction ou de la civilisation, à s’entendre et à œuvrer en ce sens.
« Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les actions bonnes. Tous vous retournerez à Dieu. Alors, Il vous éclairera au sujet de vos divergences. » (Coran V, 48)
In fine, de toutes choses, Dieu seul sait et fait ce qu’Il veut. Notre prétentieuse volonté à laquelle on s’accroche ne vaut rien face à Sa Volonté. Et il n’arrivera que ce qui doit arriver n’en déplaise à tous ceux qui s’illusionnent. L’ombre est-elle capable de faire obstacle au soleil ?
« Ne vois-tu point comment Ton Seigneur a fait mouvante l’ombre ? S’il L’avait voulu, Il l’eut faite stable. Nous avons en outre fait du Soleil un guide de cette ombre que Nous ramenons à nous avec facilité»(Coran XXV, 45)
C’est au centre que les oppositions se résolvent ; c’est par l’Un, Origine unique de toute culture qu’il est possible de s’entendre et d’intégrer les éléments positifs par lesquels Dieu parachèvera Sa Lumière.
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[1] Bien qu’inéluctable puisqu’un tel phénomène doit correspondre à une période des plus sombre , elle n’en demeure pas moins une sorte de monstruosité. Si le scandale doit arriver, il n’en est pas moins un mal et un malheur.
[2] Un hadith dit : « L’islam est né étranger et redeviendra étranger »
[3] Les pays dits musulmans sont plus touchés de plein fouet par ces débordements réactionnaires qualifiés d’islamiques que ne l’est l’occident ! Quant aux objectifs politiques de certains groupuscules idéologiques vraiment minoritaires exploitant les malaises sociaux et le manque d’instruction, ils ne peuvent être, malgré l’apparence, assimilés à l’esprit de l’Islam.
[4] L’Islam s’implanta dans la péninsule ibérique dès l’an 711 de notre ère, par le débarquement de Gibraltar (nom francisé de Djebel Tarik, c’est-à-dire la Montagne de Tarik).
Fondé sur l’universalité de la Révélation et la diversité des formes, l’Islam sut intégrer, protéger et féconder les cultures antérieures. Qu’on se rappelle donc l’Andalousie, la Sicile et le sud de la France, phare culturel de l’Europe ! (On remarquera que le départ des musulmans massacrés et chassés marqua le début d’une ère spirituellement décadente inversement proportionnelle aux réussites matérielles : les sciences qui s’étendaient alors en occident –après avoir puisé dans les sciences musulmanes,- ont progressé dans une direction uniquement rationalistes et matérialistes contrastant douloureusement avec la perspective cosmologique musulmane des rapports entre Dieu, l’homme et l’univers)
[5] Les arabes représentent à peine 20 % des musulmans.
[6] Le morcellement des peuples en nations est une conception toute moderne.
[7] « C’est Lui qui a envoyé Son Apôtre avec la Direction et la Religion de Vérité pour la faire prévaloir sur la religion en entier… » (Coran LXI, 9 et XXV, 1)
« Vous êtes (ô musulmans) la meilleure communauté qui ait jamais été existenciée en faveur des hommes : vous ordonnez ce qui convient, vous interdisez ce qui est répréhensible et vous croyez en Allâh. Si les Gens du Livre (c’est-à-dire tous ceux qui suivent les révélations antérieures) avaient cru (en Allâh), cela aurait été meilleur pour eux (car ils auraient participé à cette excellence communautaire, alors que dans l’état actuel) des croyants sont parmi eux, mais la plupart d’entre eux sont corrompus » (Coran III, 110)
[8] « Ce n’est pas celui qui m’aura dit : seigneur, seigneur qui entrera au royaume des cieux, mais celui qui aura accompli la volonté de mon Père céleste. Ils seront nombreux à me dire en ce jour-là : seigneur, seigneur, n’est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé ?…… et alors je leur déclarerai hautement : jamais je ne vous ai connus. Eloignez-vous de moi, vous tous, artisans d’iniquité ! » (St Matthieu 7-21-23)
[9] (St Jean 7-17 ; 8-42 ; 12-49 ; Coran LIII, 3-4)
[10] (St Jean 8-19 et Coran IV, 80)
[11] « Dieu est la lumière des cieux et de la terre!
Sa lumière est comparable à une niche
où se trouve une lampe. La lampe est dans un verre ;
le verre est semblable à une étoile brillante.
Cette lampe est allumée à un arbre béni :
l’olivier qui ne provient
ni de l’Orient, ni de l’Occident
et dont l’huile est près d’éclairer
sans que le feu la touche.
Lumière sur lumière!… (Coran XXIV, 35.)
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