Le symbolisme végétal
Tout dans la nature est signes (ayat).
Le jardin est naturellement une image du Paradis au printemps éternel, où coulent les rivières pour une végétation luxuriante. Puisé dans cette nature généreuse, le symbolisme végétal est sans doute le plus commun à toutes les traditions.
Son application est d’usage très répandu dans l’art islamique ; fleurs et arbres sont stylisée ou simplement suggérés comme dans l’arabesque, toujours en mode dynamique et rythmique exprimant directement l’harmonie de l’Unité divine sous-jacente à l’inépuisable variété du monde.
LA FLEUR
Le symbolisme de la fleur revêt une multitude de significations qui se rejoignent, parmi lesquelles :
L’éclosion de la vie.
La signification la plus générale du symbolisme de la fleur est l’éclosion de la vie. Ce qui s’entend aussi bien pour un Monde que pour un individu.
La fleur la plus caractéristique à cet égard, connue en orient, est le lotus. Cette fleur extrêmement belle, totalement accomplie, s’épanouit sur les eaux exactement comme la vie a éclos des eaux primordiales renfermant dans leur unité première et originelle, toutes les possibilités de développement et de réalisation.
« Et c’est Lui qui a créé les cieux et la terre en six jours, – alors que Son Trône était sur l’eau……. » (Coran XI, 7)
« .… de l’eau Nous avons fait provenir toute chose vivante » (Coran XXI, 30)
Ce qui est naissance est aussi renaissance :
La renaissance spirituelle
Une autre signification s’inscrit dans le processus de croissance de la fleur.
Dans les ténèbres d’une terre vivifiée par l’eau, une semence produit un germe qui émerge, se dresse et se développe donnant naissance à un bouton qui va s’épanouir à la lumière. C’est exactement le processus spirituel de l’être qui s’ouvre à la Lumière divine : dans l’âme ténébreuse, la grâce divine opère suscitant l’éveil du cœur, lequel est comme un bouton qui, arrivé à maturité, est prêt à éclore.
« ….Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce….. » (Coran V, 16)
« Dieu a créé les créatures en des ténèbres, puis Il a répandu sur elles de Sa Lumière » (hadith rapporté par at-tirmidhî)
La Lumière divine agit sur le développement spirituel comme la lumière solaire agit sur le développement des fleurs ; et de même que la graine meurt pour renaître, l’être doit mourir à l’état individuel pour ressusciter.
« …. Vous serez ressuscités après la mort … » (Coran XI, 7)
Image de l’Unité divine
Certaines fleurs se trouvent être une expression privilégiée de l’Unité divine ; par leur tige longue, solide, unique, tendue vers le haut et jonchée d’une fleur solitaire, elles apparaissent tel un « Alif » [A] -première lettre de l’alphabet arabe issue du nom Allah-, lequel a la forme d’un axe vertical qui symbolise l’Essence (Dhât), principe unique de l’existence.
C’est le cas de la tulipe très prisée sous l’empire Ottoman et très présente dans le répertoire artisanale (céramique, bois…) d’Iznik et de Kütahya (Turquie) mais aussi d’Afrique du nord.
Nommée « lâle », mot d’origine persane qui s’écrit avec les mêmes caractères arabe que « Allah », la tulipe a également la forme d’un turban (« tülbent » ou tulban en turc qui a donné Tulipan puis tulipe) qui exprime un enroulement et un enveloppement qui rend l’idée d’une protection fécondante Il a créé les cieux et la terre avec sérieux . Il enroule la nuit sur le jour et enroule le jour sur la nuit.. » (Coran XXXIX, 5) processus indispensable à l’apparition de la vie sur terre. Ce qui rejoint le symbole suivant.
Image de la coupe
La fleur peut être envisagée sous forme de coupe - on parle bien du calice de la fleur-, elle symbolise alors le principe féminin dit passif, réceptacle indispensable à la fécondation. La fleur est munie d’un organe végétal nommé fruit qui protège la graine, lequel comprend une capsule issue d’un ovaire contenant de nombreuses graines.
Si les fleurs donnent des graines, d’autres encore donne des fruits et c’est l’exemple de la fleur de grenadier dont le fruit unique, très présent dans l’art islamique, est formé après fécondation, et qui renferme une multitude de grains délicieux. Cette multiplication est à rapprocher de la parabole de l’épis de blé qui donnent sept épis, chacun portant cent grains.
« …Dieu opère cette multiplication pour qui Il veut. Il est Immense, Connaissant »(Coran, II, 261).
C’est le foisonnement de la grâce.
Une image du Centre
Telle l’intention sincère du croyant qui tend uniquement vers Dieu, certaines fleurs sont dites solaires (tournesol, marguerite…) : elles forment de merveilleuses corolles apparentées au soleil ou à une roue.
Envisagée ainsi, la fleur est une figure centrée c’est-à-dire une image du Centre symbolisant le développement du Monde. En effet, le centre est assimilé au Principe divin immuable où tout développement n’est possible que par son rayonnement et qui imprime à toutes choses, comme l’essieu à la roue, le mouvement sans en être affecté ou modifié.
C’est bien du centre de la fleur, que se déploient des pétales qui ne peuvent exister sans ce cœur dont ils dépendent, car le centre, c’est aussi le cœur, l’Omniprésence, mœlle de toutes choses, « œil » de la Vision.
Les fleurs nocturnes
On ne peut évoquer les fleurs sans évoquer les fleurs nocturnes d’une indicible beauté qui exhalent un parfum subtil et très odorant durant les quelques heures de leur floraison. C’est le cas, par exemple, de l’épiphyllum oxypetalum appelée encore « fleur de lune » car elle en reflète la lumière créant un contraste saisissant aux ténèbres de la nuit. Cette fleur symbolise les oppositions. C’est bien par les contraires que les choses se font connaître : c’est par les ténèbres qu’on connaît la lumière. Le parfum est la bonne odeur, l’odeur de sainteté.
Je remerçie lalla Zaynab pour son soutien et sa coopération, notamment pour les illustrations.
