Le symbolisme végétal (suite)
Symbolisme de l’arbre
L’Axe
L’univers est comme un arbre dont les branches et les feuilles en perpétuelle régénérescence se déploient et fructifient à partir d’un seul tronc qui en constitue l’Axe.
En effet, dans toutes les traditions, l’arbre est un des principaux symboles de l’ «Axe du Monde » : la graine est le centre, l’arbre qui en sort est l’axe vertical directement issu de ce centre qui étend ses branches à travers tous les mondes et sur lesquelles viennent se reposer les « oiseaux du ciel » lesquels représentent les états angéliques.
Cet axe invariable est la Voie droite [Eç-çirâtul-mustaqîm], le moteur immobile qui meut tous les plans, la direction selon laquelle s’exerce la Volonté divine.
L’Axe du Monde ou Arbre de l’Unité, est aussi l’Arbre de Lumière, Arbre de Vie; ce symbolisme trouve son illustration la plus magistrale dans la Sourate coranique « La Lumière » [En-Nûr – 24].
Dans le verset 35 de cette sourate, il est question d’un arbre « ni oriental ni occidental » déterminant par là sa position centrale (ou axiale), « arbre béni », c’est-à-dire chargé de barakah [influx spirituel] ; cet arbre -le plus approprié pour ce dont il s’agit- c’est l’olivier dont le fruit donne un combustible, l’huile, capable d’alimenter et de maintenir la lumière pure d’une lampe… lumière qui symbolise la lumière de la connaissance, la Lumière de Dieu, qui en réalité n’est point séparée de Lui-même puisque « Allah est la lumière des cieux et de la terre » ; la lumière essentielle latente dans la nature ignée et lumineuse de l’arbre et la lumière visible de la lampe sont deux modalités de l’Essence unique, ce qui est exprimé par « lumière sur lumière » dans le verset considéré.
Et cet arbre qui éclaire, nourrit et vivifie pousse sur le Mont Sinaï [al-Tûr] :
« ainsi qu’un arbre (l’olivier) qui pousse au Mont Sinai, en produisant l’huile servant à oindre et où les mangeurs trempent leur pain. » (Coran XXIII 23, 20),
Le « Mont » renforce encore l’image axiale de l’arbre puisqu’il symbolise la grandeur dans une fixité immuable, intersection du Ciel et de la Terre – centre spirituel primordial-, source initiale d’où jaillit les connaissances qui s’écoulent dans la « vallée » des cœurs. (Coran XIII, 17)
Etre fidèle à Dieu -Exalté soit-Il-, c’est être conscient d’être rattaché à cet Axe. Le Prophète (saws), qualifié par Dieu de « flambeau rayonnant » [sirâj munîr] (Coran XXXIII, 46) y est identifié : faire allégeance au Prophète (saws), c’est faire allégeance à Dieu.
« ceux qui te font allégeance ne le font qu’à Dieu : c’est la main de Dieu qui se pose sur les leurs... »(Coran XLVIII, 10 et 18)
Et c’est bien à l’ombre de l’arbre -qui est alors aussi l’arbre de l’immunité- que les Compagnons du Prophète (saws) ont prêté serment.
«Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre.» (Coran, 48 :18 ).
La transmission de ce pacte [hudaybiya]qui est une bénédiction c’est-à-dire un influx spirituel [barakah], est perpétué par les maîtres -véritables substituts du Prophète (saws)-, en une chaîne [silsilah] ininterrompue.
Comment ne pas se rappeler ce passage extrait du Maktûbât de Rûmi (L’ombre de l’arbre inconnu) :
« Un jour, un homme s’arrêta devant un arbre. Il vit des feuilles, des branches, des fruits étranges. A chacun, il demanda ce qu’étaient cet arbre et ces fruits. Aucun jardinier ne peut répondre : personne n’en savait le nom ni l’origine. L’homme se dit : « Je ne connais pas cet arbre, ni ne le comprends ; pourtant je sais que depuis que je l’ai aperçu, mon cœur et mon âme sont devenus frais et verts. Allons donc nous mettre sous son ombre«
Et c’est encore à partir de l’arbre que Dieu adressa la parole à Moïse –que Dieu le salue- pour l’investir de la Prophétie. Dieu dit :
« Puis quand il y arriva, on l’appela, du flanc droit de la vallée, dans la place bénie, à partir de l’arbre: « ô Moïse! C’est Moi Allah, le Seigneur de l’univers« . » (Coran, XXVIII, 30).
Le flanc droit de la vallée, la place bénie est la station de la sanctification, où surabondent les bénédictions et la félicité de l’Elévation de la vallée initiale, celle des cœurs des Prophètes.
L’arbre interdit
Planté au milieu de l’Eden, comme directement issu du « point » central de l’Axe, il est un arbre de nature duelle : c’est l’arbre interdit. A ce propos, Dieu dit : « ô Adam, habite le Paradis, toi et ton épouse; et mangez en vous deux, à votre guise; et n’approchez pas l’arbre que voici; sinon, vous seriez du nombre des injustes. » (Coran VII, 19)
Cet arbre symbolise la dualité et la faculté discriminative qui lui est inhérente : par leur désobéissance, Adam et son épouse connaissent la distinction du bien et du mal et « tombent » ; ils « descendent » ainsi du Jardin, c’est-à-dire qu’ils s’éloignent de l’Axe, de l’état primordial [fitrah], de l’unité première où s’équilibrent les oppositions et où se résorbe toute dualité. Leur état de nécessité est exprimé par leur « nudité » et leur besoin de se couvrir des « feuilles du Paradis ».
« Alors il les fit tomber par tromperie. Puis, lorsqu’ ils eurent goûté de l’arbre, leurs nudités leur devinrent visibles ; et ils commencèrent tous deux à y attacher des feuilles du Paradis. Et leur Seigneur les appela: « Ne vous avais- Je pas interdit cet arbre? Et ne vous avais- Je pas dit que le Diable était pour vous un ennemi déclaré? » (Coran, VII, 22).
L’arbre de la tentation est ainsi l’arbre de la connaissance et de la rédemption :
« Quand vous viendra de Moi une guidance, alors qui suivra Ma guidance… » (Coran II, 37-38)
