L’idole et la Foi

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« Dieu est le Protecteur des croyants. Ils sortent par Lui des ténèbres vers la lumière, tandis que les dénégateurs ont pour protecteur l’idole, qui les refoule de la lumière vers les ténèbres » (Coran, II, 257)

Le terme « Dieu » échappe à toute définition, à toute représentation, à toute démonstration ; c’est le seul briseur de limites, ouvert à tous les possibles qui nous entraîne dans l’ivresse vertigineuse de l’infini et de l’absolu ; c’est le seul mot chargé d’impalpable, de saveur, de merveilleux, le seul qui ne pouvant s’expliquer semble avoir un véritable sens.

C’est pourquoi, les dénégateurs (qu’on nomme aussi les athées, les révoltés, les rebelles ou les infidèles) s’élèvent en fait contre une « idée » de Dieu -l’idée qu’ils s’en font ou qu’ils croient qu’on s’en fait- ; ils refusent « ce » Dieu, dont ils flairent une menace de tyrannie, tout en restant attaché au divin en tant que conception du bonheur.(1) Cette idée de Dieu soumise à récusation laisse entrevoir une idole où exercer cette négation. Quoi de plus divin qu’une idole ? Vouloir la lumière sans le soleil, c’est fabriquer une lampe. L’idole est la manifestation la plus paradoxale et radicale du divin ; c’est le divin substitué, fixé, dénaturé par orgueil et par ignorance, c’est le divin taillé aux prétentions humaines, un « dieu » qui investit le visage qu’on a pris soin de façonner conformément à ce que nous éprouvons en fait de divin pour pouvoir le « saisir », le maîtriser, le dominer.. pour résorber l’écart entre la nature humaine et la nature divine. C’est une inversion : ce n’est plus l’homme soumis à Dieu, c’est Dieu que l’on soumet à l’homme ; ce n’est plus à l’homme de se transformer selon La Vérité mais c’est demander à la Vérité d’investir nos illusions.

Le but de la création étant de susciter la Foi, Dieu dit : « Je n’ai créé les hommes que pour qu’ils M’adorent... » (Coran XVII, 23). C’est dire que bon nombre d’humains ne connaissent pas l’objet réel de leur attachement et de leur passion.(2) Ils n’adorent que Lui mais ne le savent pas : la foi enfouie, la cible a été déplacée vers d’autres foyers d’attraction. (Quand on aime les belles choses, telle que la musique par exemple, qu’aime-t-on en réalité ? L’effluve paradisiaque qu’elle transmet ou la musique en elle-même ?) C’est une transposition. Comment, en effet, abolir cet aspiration vers l’Infini, si ce n’est en changeant la direction, l’infléchir vers ici-bas, vers un « idéal » de substitution ?

La soif de Dieu habite ce qu’on croit être le plus étranger au divin. Il ne peut en être autrement. Tout se fait et se défait par rapport à Lui, Réalité unique : Il est notre seule raison d’être, aucune chose ne se suffisant à elle-même ; la raison aveuglée ou limitée n’y peuvent rien changer. Toutes les utopies : les volontés hégémoniques de nivellement universel, sont la caricature de l’appel divin à l’Unité, voulant reproduire à leur manière l’égalité des hommes devant Dieu ; les idéologies, telles le culte de liberté chez Sartre, du surhumain chez Nietzsche, de la cité future chez Marx, de la science chez Monod sont des rêves d’absolu, un désir inassouvi de croire à une force transformante ; l’individualisme, ce culte de l’ego, déplacement de la personnalité dans l’individualité, dont l’existence est encensée, adorée jusqu’à l’étaler, le répandre et le bichonner dans une fête perpétuelle où l’aisance, la satisfaction, les caprices, les passions, les facilités, l’argent, les conquêtes, le prestige, la notoriété, l’apparat et même les bonnes actions qu’on lui attribue et dont on l’encense, tout ce qui le flatte et lui donne du plaisir sont recherchés… pour une émotion, une récompense, une compensation, un bonheur jouissif et instantané.

L’être humain est intrinsèquement et indivisiblement humain et divin, pieux jusque dans sa dénégation, totalement soumis à sa passion. Si l’idole est une usurpation, une telle usurpation n’est possible que parce que l’âme est de souffle divin.

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« Quand on leur disait : « Point de divinité à part Dieu », ils se gonflaient d’orgueil et disaient : »Allons-nous abandonner nos divinités pour un poète fou? » (Coran XXXVII, 35-36)
Tel est l’état de l’homme ordinaire pour qui les apparences extérieures, y compris sa propre existence extérieure, sont des dieux.
(Abd-el-Qader al-Jilani)

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(1) c’est le concevoir sur le modèle humain, come un être fini, conditionné, nous imposant sa puissance à partir d’un lieu, du dehors. Exister (ex-tare en latin), selon la meilleure définition étymologique, c’est « tenir son être d’autre chose que soi-même, être dépendant d’un principe supérieur ; l’existence ainsi entendue, c’est donc l’être contingent, relatif, conditionné, le mode d’être de ce qui n’a pas en soi-même sa raison suffisante. Il en ressort que, limité en tant qu’individu, l’homme s’entrevoit comme distinct et voit Dieu Extérieur à lui. En poursuivant une réflexion étymologique, en langue arabe, Origine se dit « El Baldi », ce qui signifie « Le Merveilleux ». Dieu ne saurait être un tyran mais notre havre de béatitude. Le véritable tyran qui fait illusion dans le bonheur, c’est la force attractive terrestre qui répondant à le pesanteur, s’accrochant aux finitudes nous tire par ses appétits alléchants et divergents loin de cette réalité. C’est l’extériorisation toujours plus poussée. C’est le « moi » multiple, divisé et enténébré qui orgueilleusement voudrait être Dieu et n’entend pas lâcher prise. C’est l’ombre qui affronte la lumière en oubliant qu’elle en procède.
(2) Coran XLV, 23. En langue arabe, passion est un mot très fort : le souffle au plus profond de soi.

Le progrès

La grande idolâtrie sur laquelle est bâti le monde contemporain et qui a conduit au matérialisme est le dogme du progrès. Ce culte érigé par la cupidité consiste à attendre d’un avenir confortable et rationaliste, un bonheur, une béatitude que la cage du temps est incapable de nous donner par elle-même. Nous ne pouvons demander au temps, qui est usure, de nous délivrer de lui-même.

Nos chemins sont ici mais c’est la lumière qui nous guide. L’espérance n’a que peu de rapport avec les espoirs misés dans le progrès. Cette confiance sereine fondée sur la réconciliation ne croit pas forcément et aveuglément en un avenir meilleur : il ne peut l’être que si le devenir l’est, en agissant d’abord sur l’être et non sur l’avoir. N’est-il pas naïf de croire qu’un peuple nous est inférieur parce que ses moyens sont plus rudimentaires ? Le royaume merveilleux n’est pas tant le sillon creusé par la charrue de l’histoire que l’éclatement de la graine que l’eau et le soleil ont fécondé. Le sens de l’histoire réside dans l’esprit qui l’a déterminée et non pas dans la suite des événements.
La foi au progrès, axé sur le temps et comme obnubilé par lui ne peut que déboucher sur un mirage, une illusion. Quoiqu’il fasse et quoiqu’il en pense, l’homme ne sera jamais maître de la destinée. Ou est la liberté, la fraternité que le progrès promettait ? Faut-il croire en un monde meilleur composé d’une humanité pire ?

Ce qui différentie l’homme progressiste de l’homme d’espérance, c’est la facilité qui lui est donné « d’explorer de plus en plus vite le territoire de sa prison »(1)
Face à un pouvoir matériel tutélaire et sans frein, « l’humanité se trouve dans la situation d’un capitaine dont le bateau serait construit avec une si grande quantité d’acier et de fer que la boussole de son compas, au lieu d’indiquer le nord, ne s’orienterait que vers la masse de fer du bateau »(2). Comment alors diriger le bateau avant qu’il ne tourne en rond et ne se laisse engloutir par les courants ? L’auteur de la belle métaphore nous livre la solution : « ..L’acceptation consciente où les connaissances et les forces créatrices de l’homme s’ordonneront d’elles-mêmes autour d’un centre commun
»… rien à redire, sauf que cet éminent prix Nobel, empêtré dans un filet de vanité et de contradiction, voit ce « centre » en Europe !!! C’est ainsi que par ethnocentrisme, on glisse d’une idole à une autre, les deux étant liées puisque ce brevet de civilisation que s’est décernée l’Europe au XIXe siècle est lié au développement et au perfectionnement matériels !(3)

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(1) Gustave Thibon
(2) La nature dans la physique contemporaine Gallimard 1962 de Werner Heisenberg
(3) Voir Orient et Occident, p.23 René Guenon. Editions de la Maisnie.
Calligraphie : « Al Wali »

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