Les assises rituelles
« En Vérité, les purs seront en plein délice…. »
La quête de Dieu est la quête de la Lumière divine, unique Essence de toute spiritualité. Pour bien briller, elle exige la pureté du support, sa transparence ; il faut vider et polir son cœur afin qu’il devienne tel un miroir, le lieu de l’illumination. Certaines « techniques » effectuées sincèrement en quêtant la grâce divine, et selon les règles édictées en sont une propédeutique… Tout rite, ablution, jeûne, prescriptions, visent ce but qui est de rétablir l’homme dans sa pureté originelle et portent ainsi leur efficacité en eux-mêmes.
L’Islam est basé sur cinq piliers qui constituent ses cinq assises rituelles.
1 – La profession de foi ou attestation de l’Unicité divine. (Et-Tawhîd)*
C’est le pilier fondamental, le credo immuable. C’est l’axe, Origine et Finalité, qui résume tout l’Islam :
« Certes, nous sommes à Dieu et c’est à Lui que nous retournons » (Coran II, 156)
Nous sommes originellement en Dieu, voulus de Lui, issus de Lui et enfin réintégrés en Lui. Nous en gardons une réminiscence plus ou moins vive ; cette empreinte indélébile est plus ou moins altérée. Plus le regard est tourné à l’envers, vers une multitude de distractions plus on perd la connaissance intuitive de l’Unité. Pour contrer cette dispersion généralisée, l’Islam absorbe en elle toute autre affirmation. Elle l’affirme avec une force et une persuasion jamais égalées auparavant. Le musulman ne dit pas : « Je crois en un seul Dieu« , mais
« Je témoigne qu’il n’y a de dieu, que Dieu« ,
négation absolue puis affirmation catégorique, ce qui équivaut à dire : pas de réalité, que La Réalité, ce qui ramène tout à Dieu. C’est la première partie de l’attestation de foi… une invitation pressante à sortir de la négation de la divinité dans laquelle s’est enfermé Iblis à cause de son orgueil aveugle, pour pouvoir s’engager sur le sentier de l’affirmation de l’Etre divin. Ce témoignage n’est possible que parce-que le « témoin » a connu cette vérité de toute éternité (Coran VII, 172). Mais il y a eu « chute » et « division » (Coran II, 35-37), le redressement s’opérant par celui qui est investi de toutes les qualités divines pour remplir sa mission (Coran 68, 4). Il y a celui qui affirme ce témoignage par la langue et celui qui le réalise pleinement ; entre les deux, les degrés sont innombrables. Quelque soit le degré à atteindre, le point d’appui pour y arriver -ou tout au moins pour ne pas chuter plus bas- est le fait de se conformer à Son Ordre par la Mission Sacrée de Son Messager, causalité de perfection, et c’est la deuxième affirmation de la profession de foi :
« et je témoigne que Muhammad est Son Envoyé« ,
celui qui nous montre le moyen de vivre selon la première certitude.
Après la profession de foi, :
« Il n’y a de dieu, que Dieu et Muhammad est Son Envoyé » (Lâ ilâha illa-Lhâh, Muhammad rasûlu’l-Llâh)
-et quiconque l’affirme sincèrement est musulman-, le deuxième pilier de la foi musulmane est :
2 – La prière ou acte de grâce unifiante : Salât dont la racine étymologique signifie atteindre, unir, joindre. Elle peut se faire n’importe où, à l’intérieur d’un espace délimité qui devient le templum, lieu sacralisé : natte, tapis, drap, ou tout naturellement sur la terre, l’herbe ou le sable. Mode d’adoration pure et action de grâce, elle est la seule liturgie de l’Islam.
Le Prophète a dit de la prière canonique :
« Les cinq prières sont comme un fleuve d’eau douce qui se déverse cinq fois par jour dans votre maison. Pensez-vous qu’il y restera de la crasse ? »
« La prière est le pilier de la religion, celui qui l’abandonne détruit la religion »
« Dieu ne tient pas compte d’une prière à laquelle l’homme ne consacre pas son cœur en plus de son corps »
« Si l’homme se lève pour sa prière avec un amour, un visage et un cœur tournés vers Dieu, il repartira comme au jour où sa mère l’a mis au monde. »
-en tant que participation consciente de l’homme au chant de louange qui lie toute créature au Créateur, elle intègre l’homme dans le rythme cosmique de l’adoration universelle :
« N’as-tu pas vu que c’est devant Dieu que se prosternent tous ceux qui sont dans les cieux et tous ceux qui sont sur la terre, et le soleil, et la lune, et les étoiles, et les montagnes, et les arbres, et les animaux... » (Coran XXII, 18)
« Tout ce qui est sur la terre et dans les cieux célèbrent les Louanges de Dieu et les oiseaux aussi en étendant leurs ailes.. » (Coran XXIV, 41) « Plantes herbacées et grands arbres s’inclinent devant Lui » (Coran LV, 6),
« Et devant Dieu se prosternent tous les êtres des cieux et de la terre…« (Coran XIII, 15), même
« Le tonnerre chante Sa Louange » (Coran XIII, 13).
« Les sept cieux et la terre et ceux qui s’y trouvent Le glorifient et il n’est aucune chose qui ne Le glorifie, mais vous ne comprenez pas leur glorification » (Coran XVII, 44)
Liturgie cosmique qui rejoint l’un des sens de la Parole du Prophète (saws) : »La terre entière est une mosquée«
et que Rûmi exprime ainsi :
« Je vois les eaux qui jaillissent de leur source… les branches des arbres qui dansent comme des pénitents, les feuilles qui battent des mains comme des ménestrel« , car
« Là ou que vous vous tourniez est la Face de Dieu » (Coran II, 115),
rayonnement de l’univers, Beauté incommensurable qui nous hante et nous appelle et qui est l’affirmation de notre entière dépendance et impuissance, au même rythme de tout ce qui existe.
- Dieu a dit : « Prosterne toi et approches toi » (Coran 96, 19) ; l’acte rituel de prosternation confirme cette dépendance en symbolisant le dépouillement individuel. Appuyer la plus noble partie de son corps sur la terre d’où l’on est issue et où l’on retourne est l’abandon de toute arrogance et de tout orgueil face à Son immensité. Sans cette indigence, point de richesse. Notre petitesse est Sa Grandeur et Sa proximité.
Tant qu’on ne s’est pas lavé de toute prétention d’être une réalité en soi, on ne peut être lumineux de l’Eternelle Présence. Le cœur se soumet en contemplant la Majesté divine ; la langue exprime avec éloquence cette soumission. L’orientation (qibla) en direction de la Kaaba de la Mecque, symbolise l’intention (tendre vers) de toutes les puissances de l’être devant être dirigées vers Dieu. L’Orant ainsi orienté va évolué selon les positions à observer durant la prière. D’abord debout, il est le pivot qui correspond à la hiérarchie spirituelle ; incliné, il évolue dans les possibilités de ces degrés ; prosterné, il s’efface dans la Proximité divine ; assis sur les talons, station d’équilibre, il témoigne de la permanence de cette proximité. « Il est bon de te tenir droit, à condition de se prosterner (…) Et s’i n’y a pas en l’homme la droiture, la grandeur, la noblesse, comment l’humilité pourrait-elle exister ? » (Sultan Valad)
Les prières quotidiennes accordées au rythme du soleil, sont au nombre de cinq : Aube, début d’après-midi, après-midi, couchant et nuit. En cas d’empêchements, on peut regrouper les prières et/ou conjoindre les deux prières de l’après-midi. Si on est handicapé ou malade, on accomplit mentalement les gestes qu’on ne peut exécuter. Si on habite un pays où les nuits durent un certain temps, on s’accorde sur les heures du pays le plus proche. Enchaîné, chez les esquimaux ou sur une île déserte, on peut toujours pratiquer le rituel islamique.
La prière est précédée d’ablutions, acte d’adoration autonome, sacralisation qui intègre le corps dans la prière.
L’eau, élément vital est le symbole de la pureté primordiale. Le contact des membres avec l’eau, annule les souillures et opère un certain retour à l’état d’innocence. Le Paradis est baigné de sources vives, il y coule des ruisseaux. Mais la purification du corps n’est qu’un préalable de la véritable pureté. (S’il n’y a pas d’eau pour les ablutions ou qu’on ne peut toucher l’eau, on prend une pierre propre et lisse ou du sable : on y frotte les mains puis on passe celles-ci sur le visage et les mains.)
« Selon les règles et préceptes religieux, on devient impur et on rompt l’ablution quand certaines matières corporelles sont expulsées. Cela nécessite le renouvellement de l’ablution… A propos du renouvellement de l’ablution, notre Maître le Prophète (saws) a dit : »A chaque renouvellement de l’ablution, Dieu renouvelle la croyance de Son Serviteur, dont la lumière de la foi est polie à nouveau et brille plus fort ». et « La purification répétée par l’ablution, c’est lumière sur lumière.«
La pureté intérieure aussi peut se perdre, peut-être plus souvent que la pureté extérieure, par le mauvais caractère, un comportement vil, des actes et des attitudes dommageables tels que l’orgueil, l’arrogance, le mensonge, le bavardage, la calomnie, l’envie et la colère. Des actes, qu’ils soient conscients ou inconscients, commis par les sens souillent l’esprit…Quand la pureté intérieure est souillée et que l’ablution spirituelle est rompue, le renouvellement de l’ablution se fait par un repentir sincère, qui se pratique en réalisant sa faute, en regrettant douloureusement…Prier, c’est se présenter face à Dieu. Etre en état d’ablution, être en état de pureté, est un préalable à la prière. Le sage sait que le nettoyage de l’extérieur n’est pas suffisant, car Dieu voit les profondeurs du coeur, où doit se pratiquer l’ablution du repentir. Alors seulement la prière est agréée… » (Abd al Qader Al-Jîlâni)
La niche de prière : comme son nom l’indique, la niche de prière (mihrâb) est une niche qui indique l’orientation de la prière musulmane en direction de la Mecque. Son symbolisme est universel : c’est le symbole du cœur qui reçoit l’illumination divine…ce lieu secret où la Vierge Marie fit retraite spirituelle et fut nourrie. C’est pourquoi sur le mihrâb, est souvent calligraphié ce verset :
« Chaque fois que Zacharie allait la voir dans le Temple, il trouvait auprès d’elle la nourriture nécessaire, et il lui demandait : « O Marie, d’où cela te vient-il ?Elle répondait : « Cela vient de Dieu : Dieu donne sans compter sa subsistance à qui Il veut« . Le Verbe jaillit et illumine le cœur vierge. Aux cœurs purs, dans ce « lieu », Dieu donne sans compter.
« Et celle.. en qui nous insufflâmes de Notre Esprit, et de qui nous fîmes, ainsi que de son fils, un signe pour les univers. » (Coran XXI, 91)
Outre la prière canonique, acte rituel (1) conforme à l’Ordre, il existe bien d’autres formes de prières, la plus caractéristique étant le dhikr (souvenir) qui consiste en une répétition de formules sacrées, en groupe ou individuellement ; il y a Du’a, la prière volontaire ainsi que la prière personnelle où Dieu est notre confident et puis il y a la prière perpétuelle de celui qui est constamment en Présence divine.
3 -Le Jeûne
Le jeûne signifie s’abstenir, renoncer à, s’interdire, se taire. Le jeûne est abstinence ; contrairement à toutes les oeuvres, il ne peut être vu que de Dieu.
Deux sortes de jeûnes sont mentionnés dans le Coran : Sawm et Siyâm.
- le premier est le jeûne d’initiative et est mis en relation Avec Marie et Jésus (XVIX, 26)
- le deuxième est le jeûne d’obligation qui correspond au Mois de Ramadan. « Ramadan » est un Nom divin qui exprime l’Unité principielle dans la succession temporelle du jour et de la nuit. Ce mois est celui de la « descente du Coran » (Coran II, 185) qui s’est opérée durant la « Nuit de la valeur » (Laylat al-Qadr) qui est « meilleure que mille mois » car elle se pose au-delà du temps. « Durant celle-ci descendent les Anges et l’Esprit, par permission de leur Seigneur pour tout ordre. Elle est paix jusqu’à l’apparition du jour » (Coran 97). Cette descente est la Paix, grâce qui rétablit la pleine conformité de ce monde (ad-dunyâ), avec l’autre monde (al-âkhirah) duquel il tire son sens. Le jeûne sera donc remontée et lumière, afflux de grâce.
Il n’est pas dans la nature animale de l’homme de jeûner. En tant que le jeune contrarie cette nature, il revêt, si l’on peut s’exprimer ainsi, la nature divine, sans besoins. C’est une élévation par un rejet des conditions limitatives. Dans le jeûne, l’ordre divin contredit l’ordre de la nature. C’est un amoindrissement pour un accroissement.
Comme pour tout, on peut observer plusieurs degrés dans le jeûne :
-Le premier degré qui se manifeste par l’interruption volontaire du rythme vital : boire, manger, coïter de la prime aurore jusqu’au crépuscule
- Le deuxième degré par la maîtrise du regard, de la langue, de l’ouïe, des membres ; il vise la purification du cœur par une victoire sur les désirs.
- Un hadith précise : « Tout acte du fils d’Adam leur appartient sauf le jeûne car celui-ci est à Moi et c’est Moi qui rétribue par lui... » et Coran III, 169). Il peut donc s’agir, et c’est le plus haut degré, d’une totale disponibilité extérieure et intérieure. Dans ces conditions, le jeûne est pure abstention. Quand ce jeûne s’empare de l’être tout entier, qui sera donc présent ? Si ce n’est Dieu « plus près de l’homme que sa veine jugulaire » (Coran 50, 16)! Mais comme a dit le Prophète : « Combien de jeûneurs qui n’ont au cours de leur jeûne que la faim et la soif »!
4 – L’aumône (Zakat)
Le terme Zakat, littéralement purification (XCII, 18). L’aumône s’attaque à l’avarice en actualisant la solidarité entre les hommes. C’est se rappeler que nos avoirs sont des moyens qui ne nous appartiennent pas : une part est imposée à celui que je dois arracher à la pauvreté. Règle d’équité et de compensation, elle a été instituée pour faire circuler les biens et les richesses excédentaires et les répartir le plus équitablement possible (IX, 60) Ce bien, mis en circulation et réparti est béni par cette donation.
La Zakât purifie les biens comme l’ablution purifie la prière (Celle-ci s’applique au taux de 2, 5% sur l’or, l’argent, les marchandises et bénéfices commerciaux ; 10 % sur les produits de la terre et des bestiaux)
Outre cette aumône obligatoire, l’aumône volontaire est toujours vivement recommandée, le don de soi étant le summum de l’aumône. Même l’acte de chair est une aumône.
Calcul de la Zakat :: http://www.fleurislam.net/pages/txt_czkt.html
5 – Le pèlerinage (hajj)
Signifie Quête. A effectuer au moins une fois dans sa vie pour celui qui en a les moyens et la santé. La Kaaba de la Mecque est la projection terrestre du Centre Absolu qui est Dieu. Le pèlerin qui y arrive, tout comme le faisait le Prophète, dit : « Me voici, ô mon Dieu, me voici! Tu n’as pas d’associé, me voici... »
C’est la manifestation la plus explicite de l’Unité communautaire : se retrouver pleinement tels que nous sommes en réalité : Un en tous et tous en Un. C’est le voyage au cœur du monde comme le sang se purifie en passant par le cœur, préfigurant le voyage intérieur vers la Kaaba du cœur. Arrivé au Centre, il n’y a plus de direction à observer ; de même qu’on ne jeûne pas le jour du pèlerinage proprement dit « parce que les gens ont rendu visite à Dieu et qu’ils sont sous Son hospitalité ; il ne serait pas convenable que l’hôte jeûnât chez Celui qui l’a reçu » (La vie merveilleuse de Dhû-l-Nûn l’Egyptien)
Comportant une série de rites aux significations profondes, le pèlerin en accomplissant le pèlerinage confirme non seulement son appartenance à la communauté de Muhammad (saws) mais aussi à celle d’Abraham (as) et au-delà, à celle d’Adam à l’endroit même où le premier couple, après avoir été chassé du Paradis et séparé s’y retrouvèrent et trouvèrent grâce devant Dieu car le jour d’Arafat, jour du pèlerinage proprement dit, est celui du Pardon. Il est en effet dit, que la première Ka’aba avait été édifiée par Adam puis après avoir été détruite par le déluge avait été reconstruite par Abraham qui la revivifia lui restituant ainsi sa fonction de dépôt de la tradition primordiale. La Kaaba n’est donc ni le tombeau du Prophète, ni un objet d’adoration comme beaucoup se l’imaginent. Elle est un temple : Bit Allah el Haram (Maison sacrée de Dieu), comme le cœur en est un, où toutes les idoles doivent être détruites, pour être « plein » de la Présence divine. « Nul ne peut Me contenir, le cœur de Mon serviteur croyant Me contient » a dit L’Envoyé de Dieu Muhammad (saws).
(1) « Le rite est l’acte dont la forme même résulte d’une révélation divine. La perpétuation du rite est donc elle-même un mode de la Révélation… accomplir un rite, c’est non seulement retracer un symbole mais participer à un certain mode d’être, au moins virtuellement… » (Titus Burckhardt)
* Le « Tawhîd » que l’on traduit par « monothéisme » ne recoupe pas exactement le terme arabe. En effet, monothéisme vient du grec « monos theos » qui signifie « un seul Dieu » ; or, le terme arabe est plus subtil. Par le nom verbal de la la 2ème forme de la racine WHD dont le sens fondamental est « être un » lui confère une connotation dynamique à savoir le fait d’unifier. Le « tawhîd », c’est l’unicité et « ‘ilm at-tawhîd », la science de l’unicité qui unifie l’être.

Vous pouvez laisser une réponse.
Votre article me laisse sans voix. Mais avec les larmes aux yeux. On se rend compte parfois à quel point il nous arrive de nous éloigner de la pureté de l’acte, de sa vraie essence …
Merci.
Les larmes qui mesurent notre indigence sont les perles de la Miséricorde…
MACHA ALLAH pour ces paroles teintées de sagesse et inspirées par un amour divin et profond de l’ETERNEL… Bel épître sur le culte de l’unicité divine .
QU’ALLAH te rétribue de la meilleure rétribution mon frère, un palais d’or au parterre de musc au dessous duquel coule un ruisseau du firdaws. amine
Assalam’aleykum wa rahmatullah wa barakatuh,
Que votre magnifique et généreuse du’a vous revienne décuplée. Amîn !