Le Savoir (´ilm)
Sourate coranique XCVI 1-5 ci-dessous
Calligraphie Nabil Chami.
Le Prophète Muhammad (saws) a dit : « Allez chercher le Savoir jusqu’en Chine » (1) ; en effet, aucun lieu, aucune chose n’existe qui ne Lui appartienne et qui serait vide de Lui :
« Là où que vous vous tourniez est la Face de Dieu » est-il énoncé dans le Coran.
750 versets coraniques exhortent « ceux dotés de moelle [d'esprit] » à réfléchir et à méditer. Par « Savoir » on entend donc le fruit de la Connaissance puisée en Dieu en vue de Dieu, et ce, à tous les échelons et dans tous les domaines, la connaissance métaphysique (2) étant la quintessence qui englobe nécessairement ce moins qu’est l’ensemble des savoirs.
Le premier verset qui a été révélé au Prophète (saws), n’est-il pas :
« Lis ! au nom de ton Seigneur qui crée
créa l’homme d’un accrochement
Lis ! de par ton Seigneur Toute générosité
Lui qui enseigna par le calame
Enseigna à l’homme ce que l’homme ne savait pas » ( Coran XCVI, 1-5)
Dieu est Omniscient, Unique Source de Connaissance, Lui Seul sait, Lui seul connaît l’Ecriture originelle. Il est donc notre Enseigneur, la Main qui tient le calame. Nous ne saurons que ce qu’Il veut nous donner à savoir. Nous n’obtiendrons que ce qui nous convient, selon notre capacité. Et si par une certaine dose d’ignorance, on a l’impression de connaître par nous mêmes, ce n’est qu’en raison de la connaissance initiale qui nous a été donnée : Dieu a appris à Adam tous les Noms (Coran II, 31)
«…. Prémunissez vous envers Dieu ! Dieu vous instruit. Dieu sait toute chose » (Coran II, 282)
Tout vient de Dieu et renvoie à Dieu.
Nature et signes
« J’étais un Trésor caché et J’ai voulu être connu, alors J’ai créé le Monde »
Par ce hadith, on comprend déjà que la finalité de la création est de découvrir Le Trésor…
Le cosmos, tel un miroir, reflète en une multitude d’images, l’Unique Réalité… Bien avant l’énonciation de l’atome par la physique nucléaire -qui n’est qu’un écho lointain de ce dont il s’agit- Mahmûd Shabestari nous donne le vertige :
Sache que le monde tout entier est un miroir,
Dans chaque atome se trouve cent soleils flamboyants
Si tu fends le cœur d’une seul goutte d’eau,
Il en émerge cent purs océans.
Si tu examines chaque grain de poussière,
Mille Adams peuvent y être découverts…
Un univers est caché dans une graine de millet
Tout est rassemblé dans le point du présent…
De chaque point, dans sa rotation en cercle
Est tantôt un cercle, tantôt une circonférence qui tourne (3)
Prodigieuse organisation, éclosion inouïe de toutes espèces, ce macrocosme qu’est notre univers s’achève par un microcosme : curieusement, toutes les phases cosmiques sont synthétisées en l’homme ; tout ce qui constitue la nature se retrouve en lui et toujours curieusement, la transformation n’est pas que biologique. Voilà que par des capacités cognitives particulières, il va être doué d’un discernement qui va opérer une différence radicale ne faisant pas de lui un singe perfectionné (d’où le fameux chaînon manquant). D’un mental uni à la conscience va éclore la pensée dans laquelle il faut inclure la raison, la mémoire et l’imagination. La parole, l’art, la science et le rire qui en découlent, propre de l’homme, lui permettent d’agir en responsable. Il va pouvoir se rebeller -contrairement aux animaux qui suivent, sans la moindre contestation de leur part, leur vocation naturelle- en pensant, par ignorance, que ces facultés viennent de lui-même.
Qui est l’homme ? La réponse -comme pour toutes choses- est Vérité, vérité qui illumine l’univers, l’univers conscient dans Sa Lumière, de par son origine, mais qui ne l’est pas en lui-même.
« Avant que le monde ne fut créé, lorsque aucune créature ni l’homme n’existaient,
Dieu était un Trésor caché, rien d’autre que Lui n’existait, ô roi !
Il désira être connu avec Ses attributs, donna un ordre et créa avec un kâf et un nûn (kûn = soit)
Il se fabriqua, ô roi, un miroir, et Dieu Se vit Lui-même avec Ses attributs,
L’Homme est ce miroir de Dieu, regarde-le avec intelligence ;
Celui qui est vu, c’est Dieu, Ses noms et Ses attributs,
On dirait que cette essence pure est un point ; c’est de la vitesse de son évolution que viennent les possibles……. » (4)
Achèvement sur la terre, l’Homme reflète la nature et l’origine, à l’image de Dieu qui contient en Soi toutes les choses.
L’Univers, en son entier est l’Ecriture de Dieu, Sa Révélation, un livre sacré devant lequel nous sommes tenus de rester en éveil afin d’apprendre à en déchiffrer les « signes » (ayat). La nature et l’univers donne à voir et à connaître à qui peut voir.
« Il y a certes dans la création des cieux et de la terre …des signes pour ceux dotés de moelles » (III, 190) Ainsi, par le « dans », Dieu ne nous demande pas d’observer les cieux et la terre simplement pour en constater l’existence et le mouvement, mais Il nous invite à en pousser la porte, celle qui donne au-delà du regard extérieur… « Nous leur montrerons aux horizons et en eux-mêmes, jusqu’à faire éclater que c’est bien là le Vrai » (Coran XLI, 53)
Le Cosmos est manifestation divine, expression grandiose de l’Unique ; son étude est approche et connaissance de Dieu et non conquête.
L’Univers est Vérité : « N’as-tu pas considéré que Dieu a créé les cieux et la terre dans le Vrai ? » (Coran XIV, 19)
« Il n’est pas d’atome dans les cieux ou sur terre, qu’il s’agisse d’un minéral, d’une plante, d’un animal ou d’un globe céleste, qui ne doit son mouvement à Dieu. Il est dans chaque mouvement, une, deux, dix, voire mille sagesses témoignant de l’unicité de Dieu et mettant en évidence Sa Majesté et Sa grandeur. Ce sont des signes qui témoignent de Son Etre » (5) et de Sa Perfection :
« Tu ne vois, en la création du Bienfaiteur, nulle inégalité. Ramène sur elle ta vue ! Y vois-tu quelques faille ? » (LXVII, 3)
« Par deux fois encore, ramène ta vue sur elle : ta vue reviendra vers toi, lassée, épuisée sans avoir découvert de défaut » (LXVII, 4)
«Ce n’est pas par divertissement que Nous avons créé les cieux et la terre et ce qui est entre eux. Nous ne les avons créés qu’en toute vérité. Mais la plupart d’entre eux ne savent pas »
« Procède des signes de Dieu, l’homme créé d’une semence.. il y a en toi une infinité de merveilles [...] regarde comment Dieu, d’une goutte de sperme, a créé le nouveau-né, l’a nourri du sang maternel, jusqu’à la plénitude de son développement [...]Dieu a doté l’homme de deux yeux dont Il a ordonné les couches, bien fait l’image, la couleur et l’aspect. Il les a protégés par des paupières qui repoussent les saletés. Puis, dans l’espace de leurs lentilles (cornéennes), il a fait apparaître l’image des immenses cieux…cet homme, fait d’eau de pluie, de sources, de rivières, laquelle tient en solution des proportions définies de sels minéraux dont l’origine se trouve dans le sol et constitue le substratum des cellules du sang. Comme la terre et l’eau de mer, elle contient du sodium, du potassium, du magnésium, du calcium, du fer, du cuivre. Le manganèse, le zinc, les matières azotés, les graisses, les sucres, les sels et le vitamines nous sont fournis par les animaux, le lait, les plantes, les céréales, etc… Les éléments chimiques qui entrent dans la composition du corps sont identiques à ceux qui composent le soleil, la lune ou les étoiles, témoignant de l’unité de la création.
« Il te faut après méditer sur la terre », notre planète qui retient autour d’elle une atmosphère assez épaisse pour permettre aux vivants d’obtenir, même en altitude l’oxygène indispensable à la respiration. C’est cette même atmosphère qui protège les plantes et les animaux contre l’action nocive des rayons solaires et du froid. Sur Jupiter, nous serions immobilisés par un poids trop lourd, sur la lune, nous serions trop légers. Notre terre qui est notre séjour et notre vêture ; quand elle est « inerte et sans vie, Dieu fait descendre sur elle l’eau, et la voilà qui se soulève et augmente de volume, verdoie et fait germer toutes sortes de couples de végétaux. De son sein sort étalement des variétés d’être animés [...] penses-tu que l’araignée a appris son métier ou s’est formée elle-même ou qu’un humain le lui a appris ou qu’elle n’a ni guide ni maître ? Gloire à Celui dont la science embrasse toute chose, sans réflexion, méditation ou assistance…Il ne reste plus aux créatures que de se soumettre à Sa contrainte, de confesser leur incapacité à cerner Sa Grandeur [...] Parmi Ses Signes, il y a les mers profondes qui entourent les continents du globe…Comparées à l’eau, vallées, montagnes et terres représentent une petite île dans un océan immense [...] Plus étonnant encore est comment Dieu fait tomber l’eau, la chose la plus apparent qui soit. C’est un corps fluide, courant et transparent. Ses éléments sont liés les uns aux autres comme si c’était une seule chose. C’est un composé qui peut être scindé comme si ses éléments étaient détachés les uns des autres, maniables, disposés à se séparer et à se joindre. Sans eau, rien ne peut exister sur terre… Pour obtenir une gorgée d’eau qui lui serait refusée, le serviteur céderait tous les trésors de la terre s’il les possédait. Et si désaltéré, il éprouvait le besoin de l’évacuer, mais ne le pouvait, il céderait tous les biens du bas onde pour être en mesure de le faire…Tout cela constitue autant de témoignages et de signes exprimant la Majesté de leur Créateur, la plénitude de Sa sagesse, et appelant, de leurs mélodies, les gens aux cœurs éveillés et les doués de raison : Ne nous voyez-vous pas ? [...] N’avez-vous pas honte d’affirmer, à la vue d’un mot de trois lettres, que celui-ci procède d’un humain, savant, capable et doué de volonté et de parole et de ne pas voir la Majesté de l’Artisan lorsque vous regardez les lignes divines merveilleuses de nos visages que trace la plume divine dont le regard ne peut saisir ni l’être, ni le mouvement, ni le contact avec le lieu de l’écriture ? »
« Parmi les signes de Dieu, il y a les perles enfouies dans les montagnes et les richesses minières extraites de la terre. Dans la terre, il y a une variété de terrains adjacents. Regarde comment les perles précieuses, ainsi que l’or, l’argent, la turquoise, le rubis, etc., sont tirés des montagnes. Certains sont forgeables comme l’or, l’argent, le cuivre, le plomb et le fer, tandis que d’autres, la turquoise, le rubis, ne le sont pas. Considère comment Dieu a inspiré aux gens de les extraire, les épurer et, partant, les utiliser comme ustensiles, outils, monnaie et bijoux.
Puis, regarde les minerais de la terre tels que le pétrole, le soufre, le goudron, etc… Le moins précieux est le sel qui n’est utile que pour la cuisson des aliments. Pourtant, si une bourgade vient à en manquer, c’est sa ruine assurée! Considère la Miséricorde de Dieu qui a rendu certaines terres salines pour que tu puisses assaisonner ta nourriture et ainsi te réjouir.
« Lève à présent ton regard vers le ciel. Considère ses astres : leurs rotations…tous suivent des phases ordonnées…Médite sur leur nombre…Considère leurs formes. Il n’est pas de forme terrestre qui n’ait son pareil dans le ciel [...] puis regarde l’évolution du soleil dans son orbite. Il se lève et se couche tous les jours suivant un autre processus auquel Dieu l’a soumis.. Considère la rapidité du mouvement de ces astres. Tu ne perçois pas leur déplacement, encore moins leur vitesse… »
« Il est étonnant qu’entrant dans une maison luxueuse…tu ne cesses de t’en émerveiller. Or depuis toujours tu regardes cette immense demeure, son sol, sa voûte, son air, ses objets merveilleux, ses sculptures magnifiques, sans jamais t’émouvoir ou de ton cœur les considérer ! Que représente cette maison dont tu t’étonnes, devant cette demeure dont elle fait partie et qui est même la plus insignifiante partie de cette autre demeure qu’est l’Univers » (6)
De la méditation, va émerger la lumière de la connaissance. « C’est l’exemple de la pierre que l’on frappe contre le fer : de ce contact, se dégage un feu qui donne de la lumière… Lumière qui change le coeur et le fait pencher vers ce qui lui était jusqu’alors inconnu, de la même façon que la vue saisit, du fait de la lumière du feu, ce qui avant, lui échappait. Par conséquent, les membres se mettent à l’oeuvre pour répondre au nouvel état du coeur comme se lève au travail celui qui, avant le retour de la lumière, était immobilisé. »
C’est par ce travail que la connaissance obtenue dans ce monde-ci va se parfaire et atteindre le dévoilement et la clarté totale et se transformer en vision, de même que l’image vue ne diffère de ce qui est imaginé que par un plus grand dévoilement. Dieu dit : « Leur lumière rayonnant au-devant d’eux et à leur droite », ils diront : « Seigneur, parfais-nous notre lumière et pardonne-nous : Tu es Tout-Puissant ».
« La connaissance est la semence qui se transforme dans l’au-delà en contemplation comme le noyau se transforme en arbre et le grain en blé. Comment celui qui n’a pas planté de noyau dans le sol pourra-t-il obtenir des palmiers ? Et comment celui qui n’a pas semé des grains pourra-t-il moissonner le blé ? Et comment celui qui ne connaît pas Dieu en ce monde pourra-t-il Le voir dans l’au-delà ? Et comme la connaissance est à différents degrés, la révélation l’est aussi. La diversité des révélations par rapport à celle des connaissances est pareille à celle de l’herbe par rapport à la diversité qui existe dans les semences. Elles diffèrent toutes par l’abondance ou la rareté, la puissance ou la faiblesse. [...]
Il ne sera donné à l’homme dans l’au-delà que ce qu’il emportera du monde, il ne moissonnera que ce qu’il a semé, il ne ressuscitera que comme il est mort et il mourra comme il a vécu. Ce qu’il emportera comme connaissance est uniquement ce dont il jouira. Cependant, cette connaissance se transformera en contemplation grâce au lever du voile et le plaisir en sera plus fort. De même l’amoureux éprouve un plus grand plaisir lorsqu’il passe de l’imagination de l’être aimé à sa vue. La beauté du paradis est que chacun y trouve ce qu’il désire. Celui qui ne désire que la rencontre de Dieu ne trouvera de plaisir que dans cette rencontre…Donc, le plaisir du paradis est proportionnel à l’amour de Dieu et l’amour de Dieu est proportionnel à la connaissance qu’on en a.
La base du bonheur est la Connaissance que la loi religieuse exprime par la foi… Sache que le mépris du plaisir de la connaissance provient d’une absence de connaissance. Comment celui qui n’a aucune connaissance peut-il en concevoir le plaisir ? [...].
Suppose un amoureux dont l’amour est faible qui contemple de loin et de derrière un rideau fin, l’objet de son amour dont l’image ne se livre pas clairement à lui. Et imagine que des scorpions viennent à ce moment-là le piquer. Il ne manquera pas quand même d’éprouver un certain plaisir à la vue de l’être aimé. Imagine encore que le rideau soit subitement déchiré, que la lumière vienne et qu’il ne souffre plus de la piqûre du scorpion. Le désir montera en lui jusqu’à l’extrême limite. Son plaisir augmentera tellement qu’il ne restera plus de traces de celui qu’il ressentait auparavant. Ainsi tu dois comprendre de la même sorte le rapport entre le plaisir de la vue et celui de la connaissance. Le rideau fin est ici pareil au corps et à ses besoins ; les scorpions sont les désirs et les sentiments qui dominent et préoccupent l’homme : la faim, la soif, la colère et la tristesse. Le désir faible est le symbole de la déficience de l’âme en ce monde, de son manque de désir du Tout-Puissant et de sa tendance à aller toujours vers le bas…..
La connaissance est pareille à une semence ….Or, cette semence ne peut être obtenue que dans ce monde et elle ne peut être semée qu’en plein cœur…… » (7)
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(1) Kashf al-Khafâ, 1 :54
(2) La connaissance métaphysique, c’est l’Intellect qui fait un avec La Lumière : elle est au mental ce que la lumière du Soleil est à la lune. « Par le Soleil et son éclat ! Par la lune quand elle le suit » (Coran 91, 1-2)
(3) Anthologie du soufisme p 290 Eva de Vitray-Meyerovitch
(4) Rûmi
(5) Le livre de la méditation de Abû Hâmid Al-Ghazzâli p. 67 Editions Maison d’Ennour, Paris.
(6) op. cité
(7) Al-Ghazzâli « L’apaisement du cœur », Editions Al Bouraq

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Bonjour,
Je tenais à à vous féliciter sincèrement pour ce style d’écriture remplis de finesse rarement observée dans les formes de la plus part de ces textes.
Bravo,
MB
Bonjour, salam aleykum.
Merci beaucoup. BarakAllahufiki.
Merci beaucoup